LE DÉMÉNAGEMENT DE L’UN DES PARENTS
Lors de la séparation, deux modalités sont envisageables : soit la résidence habituelle de l’enfant est fixée chez l’un des parents alors que l’autre bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement dont les modalités sont précisées par le juge, soit le juge opte pour la résidence alternée de l’enfant.
En cas de déménagement de l’un des parents (qui doit en informer préalablement l’autre parent dans un délai raisonnable [1]), la résidence alternée devient complexe à mettre en place puisque la proximité géographique des domiciles est un critère d’appréciation primordial [2] pour organiser la résidence alternée.
Le Juge aux affaires familiales devra alors décider chez quel parent la résidence habituelle de l’enfant sera fixée, si les deux parents ne s’accordent pas sur ce point. Il sera alors saisi par une assignation en la forme des référés ou à jour fixe justifiée par l’urgence de statuer rapidement.
Le juge examinera attentivement la position des parties et les éléments du dossier en se fondant sur les critères d’appréciations énumérées à l’article 373-2-11 du Code civil.
Il est important de souligner que le juge tranchera en prenant en considération l’intérêt de l’enfant au cœur du conflit.
Il est indispensable que le parent, à l’initiative de ce déménagement, démontre qu’il existe des raisons objectives qui l’ont contraint de déménager au cours de la procédure. Le déménagement pour raison professionnelle, telle une mutation de poste, est le motif le plus souvent donné en exemple [3]. Ce déménagement peut avoir pour seul objectif de tenter de forcer la main du magistrat qui doit se prononcer, ou de faire échec à la mise en place d’une résidence alternée ou de prendre un nouveau départ.
Le parent contraint de supporter le déménagement de l’autre parent pourra se prévaloir :
- Du non-respect de ses droits en tant que parent par l’autre parent [4] ;
- Du besoin de stabilité de l’enfant ;
- Éventuellement, du respect du principe de non-séparation de la fratrie si l’enfant a des demi-frères ou des demi-sœurs restant avec l’autre parent.
S’agissant du non-respect des droits du parent par l’autre parent :
Les juges apprécient souverainement, au regard de l’intérêt de l’enfant, si la résidence de ce dernier doit être fixée chez le père, lequel serait le plus apte à respecter les droits de l’autre parent [5]. Tel est le cas lorsque l’un des parents déménage sans attendre l’autorisation du juge aux affaires familiales, éloignant ainsi brutalement l’enfant de l’autre parent, ce qui constitue un manque de respect des droits de l’autre parent [6].
Ainsi, il a pu être jugé que le déménagement connu de la mère qui a mis le père devant le fait accompli justifiait le transfert de la résidence de l’enfant chez le père, la mère ne respectant pas les droits de ce dernier [7]. Dans un cas similaire, il a été jugé que « le coup de force de la mère est en tous points contraire à l’intérêt supérieur du jeune brutalement arraché à son environnement social » [8].
Il a pu également être jugé que la résidence devait être transférée chez le père car la mère avait déménagé sans autre motif que de rechercher un emploi qu’elle n’avait finalement pas trouvé, les juges estimant qu’elle n’avait pas respecté les droits du père et n’ a pas cherché à faciliter les relations entre lui et les enfants, même si elle a rapidement fait connaître les moyens de le joindre [9].
S’agissant du besoin de stabilité de l’enfant :
Le besoin de stabilité (scolaire, géographique, amicale, affective…) est également un élément déterminant pour fixer la résidence de l’enfant [10]. En effet, des juges du fond ont pu décider dans certains cas qu’il n’était pas souhaitable de modifier le cadre de vie des enfants en cas de déménagement de l’un des parents. Ainsi, il a pu être jugé que l’installation de la mère dans une nouvelle région pour des raisons personnelles ne présente pas à ce jour des garanties de stabilité justifiant de bouleverser la vie de l’enfant quand bien même l’enfant entretient de bonnes relations avec l’ami de sa mère et que le cadre de vie proposé est agréable [11].
S’agissant du principe de la non-séparation de la fratrie :
L’article 371-5 du Code civil pose le principe selon lequel les frères et sœurs ne doivent pas être séparés. En effet, le juge a l’obligation de veiller au maintien de la fratrie lorsqu’il statue sur la résidence des enfants à la suite de la séparation de leurs parents, en sachant que les juges adoptent une conception large de la notion de fratrie en y incluant le demi-frère [12].
Ainsi, il a pu être décidé du transfert de résidence chez l’autre parent, le maintien de la solidarité de la fratrie étant nécessaire afin que l’enfant puisse traverser l’épreuve de la séparation parentale [13]. Dans un cas de déménagement de l’un des parents en région parisienne, la résidence de l’enfant a été fixée chez l’autre parent car il pouvait bénéficier, entre autres, de la présence de son demi-frère [14].
Par conséquent :
Le juge aux affaires familiales devra décider si le besoin de stabilité de l’enfant, le maintien de ses repères avec son cadre de vie habituel est conforme à son intérêt et si le non-respect des droits de l’un des parents doit être sanctionné.
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